"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes
les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à
Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous
condamnés
C'est nous les sacrifiés !"
11 novembre 2018 : à l'occasion du
centenaire de l'Armistice, Daniel Mermet propose un reportage de 1987
"Craonne, rose rouge pour Georges". "Il y a cent un ans, au Chemin des Dames,
tout ceux qui montaient tombaient dans le ravin. 40 000 en sept jours, dont beaucoup de tirailleurs
sénégalais. Les bidasses se révoltèrent, crosses en l’air. Longtemps interdite, la chanson de
Craonne rend honneur aux mutins magnifiques."
Craonne - Corps des fantassins gisant parmi les barbelés.
Peinture à
l'aquarelle de Francois Flameng
France Inter, qui la donne également à
écouter la présente ainsi :
la "Chanson de Craonne" est "un monument à tous les morts de la
guerre de 1914-1918 et un monument anonyme puisqu'on ne sait pas qui a écrit la chanson de
Craonne.
Dans toutes les villes et tous les villages de France, on voit des monuments au
morts, des monuments de pierre portant les noms des soldats morts pour la France. Cette chanson est
aussi un monument aux morts.
Elle a été écrite sur la mélodie d'un grand succès
sentimental d'avant-guerre : Bonsoir Mamour. Et peu à peu des dizaines de versions successives d'un
texte anonyme ont dit les douleurs, les souffrances, la colère des soldats de l'armée française dès
le début de 1915, pendant les combats de la colline de Lorette. Ou en 1917 pendant l'effroyable
bataille du chemin de Dames.
C'est là que le texte va se fixer pour devenir au cours de
l'été la chanson qui accompagne les mutineries dans l'armée française.
La chanson de
Craonne était un secret des combattants. Elle n'a jamais été imprimée ou enregistrée pendant la
guerre, mais cette chanson on peut aujourd'hui la chanter librement, parce que la colère et la
révolte de ces hommes restent un manifeste pour la liberté et la dignité
humaine."
Village reconstruit de Craonne, au pied du Chemin des
Dames
La chanson de
Craonne
Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre
les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien
fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un
sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va
là haut en baissant la tête.
Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les
femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne,
sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous
les sacrifiés !
C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui
font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au
lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr'
leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades
sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.
Au
Refrain
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a
l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans
la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs
à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui
tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
Refrain
Ceux qu'ont
l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les
trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De
monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau
!